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  • Photo du rédacteurMaia Ramarosandratana

Comment nous avons développé notre nouveau curriculum d’éducation en compétences de vie pour les adolescents des zones rurales de Madagascar



« Grâce à vous, nous connaissons bien nos droits et ceux des autres, et aussi l'importance d'une bonne hygiène lorsque nous avons nos règles. Vous nous avez aidés à mieux communiquer avec nos parents, vous nous avez donné des conseils pour atteindre nos objectifs et vous nous avez aidés pour que la puberté ne soit plus une surprise. » – Message reçu d’une élève du Collège Ambohimiadana

Depuis 2013, des dizaines de milliers de jeunes adolescents et adolescentes à Madagascar ont suivi chaque semaine notre cours holistique d'éducation en compétences de vie et à la sexualité pendant trois de leurs années au collège. De la 6ème à la 4ème, un animateur-éducateur PJL dédié leur a ainsi enseigné des informations pratiques sur leur santé, les a aidés à développer leur efficacité personnelle et leurs compétences en communication, les a mis au défi de réfléchir de manière critique aux relations saines et aux normes de genre, et bien plus encore.


Parmi les milliers de lettres que nous avons reçues d’élèves, de parents et de directeurs d’école, nous avons systématiquement retrouvé une demande intéressante : ajouter un cours pour les élèves de 3ème, dernière année du collège à Madagascar.


Cette année, c’est exactement ce que nous avons décidé de réaliser – même si c’est plus facile à dire qu’à faire !


« Cela a été tellement génial de suivre le cours PJL, mais s'il vous plaît, continuez à le dispenser pendant la classe de 3ème. Ce serait bien d'apprendre des choses comme ce que sont les droits de l'homme ? Et pourquoi y a-t-il un taux de violence si élevé dans notre pays ? » – Message reçu d’un élève, Idanda Middle School

Pourquoi avons-nous développé nos propres curricula ?


Nos curricula sont essentiels à l’efficacité de notre programme complet d’éducation en compétences de vie.


Nous avons examiné des dizaines de curricula et plans de cours open source parlant de la santé sexuelle et reproductive et provenant d'organisations du monde entier. Malgré l’abondance de matériel existant, nous avons choisi de développer nos propres plans de cours plutôt que d’utiliser ces ressources existantes, car :


  1. Seule une poignée de curricula existants sont adaptés à notre tranche d'âge cible de jeunes adolescents (~ 10-15 ans). Les rares qui existent pour cette tranche d’âge sont trop complexes et peu accessibles au niveau d’alphabétisation des jeunes adolescents et adolescentes malagasy.

  2. Les classes de nos animateurs-éducateurs comptent en moyenne plus de 50 élèves. La plupart des activités que nous avons trouvées en open source sont conçues pour des groupes beaucoup plus petits.

  3. Les infrastructures scolaires existantes ne permettent pas la diffusion de présentations PowerPoint, de vidéos, de jeux informatiques, (…), méthodes de diffusion standard de nombreux autres programmes d’éducation en compétences de vie.

  4. De nombreux plans de cours sont conçus pour être dispensés à des groupes d'un seul sexe, et non à des groupes mixtes comme c'est le cas dans nos classes.





Une approche approfondie et intentionnelle d’enseignement de l’éducation transformative en compétences de vie


Première étape dans l'élaboration de notre nouveau curriculum de 3ème : définir les modules que nous souhaitions couvrir (27 modules par année scolaire, soit environ un par semaine). Pour ce nouveau plan de cours destiné aux élèves de 3ème, nous avons décidé de nous concentrer principalement sur les thèmes du bien-être socio-émotionnel, de la prévention de la violence, des normes de genre, du mariage des enfants et de la prise de décision. Nos plans destinés aux 6ème, 5ème et 4ème couvrant déjà de nombreux sujets sur santé sexuelle et la puberté.


Nos plans de cours sont séquentiels et adaptés à l’âge des adolescents. Au fur et à mesure que les élèves progressent dans notre programme de la 6ème à la 4ème (et maintenant jusqu’à la 3ème) nous introduisons de nouveaux sujets pertinents pour les groupes plus âgés. Nous avons ainsi affiné et organisé notre liste restreinte de sujets pour suivre une séquence logique qui construit un mélange de connaissances, d'attitudes et de compétences.


Nous avons également pris en compte un certain nombre d’autres considérations clés lors de l’élaboration du plan curriculum :


Le script


Tous nos plans de cours sont scriptés. C’est-à-dire que tout ce que l'animateur-éducateur doit dire durant son cours y est énoncé de manière claire et détaillée. Cela nous donne en effet une meilleure assurance qualité et permet à l’animateur-éducateur de ne pas improviser et de se concentrer sur l'enseignement inclusif et la gestion de la classe. Restant toujours accès sur la participation, cette méthode a également révélé de meilleurs résultats d'apprentissage chez les élèves en comparaison avec l’utilisation de plans de cours traditionnels ou semi-structurés (découvrez pourquoi nous sommes passés aux plans de cours scénarisés ici !)


La langue


Nos plans de cours sont en malagasy, la langue locale. Mais à la vue d’un certain nombre de dialectes et de formes de discours, nous avons dû subir plusieurs séries de modifications et de tests. Nous devons veiller à ce que le vocabulaire et les choix grammaticaux soient compris par les jeunes adolescents de toutes les régions du pays où nous travaillons. Nous devons également garantir que les phrases soient simples, claires et directes lorsqu'elles sont lues à haute voix par nos animateurs-éducateurs en classe. Cela signifie qu’il n’y a pas de phrases contraignantes à prononcer !





Le genre


Nous sommes également très prudents en matière de langage afin de réduire les préjugés et d’améliorer l’inclusivité, notamment en ce qui concerne le genre. Nous utilisons ainsi des noms non sexistes dans les histoires et les scénarios. Les pronoms en langue malagasy sont déjà neutres, ce qui est très bien pour notre propos ! Lorsque nous utilisons du contenu spécifique au genre, nous tenons à mettre en évidence des rôles de genre non conformés, ainsi que des garçons et des filles entretenant des amitiés saines. Deux choses que nous espérons voir devenir la norme pour cette génération montante.


Le contexte


La plus grande force de notre équipe est peut-être sa capacité à ancrer le contenu du curriculum dans les réalités vécues par les adolescents et adolescentes malagasy. Par exemple une activité issue d'un curriculum international sur le bon et le mauvais toucher, compare dans une de ses leçons les baisers d’une mère à ceux d'un étranger. On sait que les baisers parentaux ne sont pas vraiment une réalité dans le contexte malagasy, nos équipes adaptent donc cette explication avec d’autres exemples. Une autre activité courante sur les stéréotypes de genre demande aux élèves d’imaginer qu’ils expliquent ce qu’est un humain « garçon » et ce qu’est un humain « fille » à un extraterrestre. Problème : les élèves malagasy n’ont jamais entendu parler du concept d’« extraterrestre », ce qui met à mal le but de l’activité visant à examiner de manière critique les stéréotypes de genre.


Outre des détails comme ceux-ci, nous nous efforçons de garantir que tous les élèves voient leur vie, leurs problèmes et leurs aspirations reflétés dans leurs cours hebdomadaires. Nous construisons donc soigneusement des histoires et des scénarios afin que tout adolescent malagasy, garçon ou fille, urbain ou rural, puisse appliquer les messages et compétences clés dans sa vie quotidienne.


Le prix


Il y a quelques années, nos animateurs-éducateurs utilisaient une variété de matériels pour animer leurs cours, des tableaux à feuilles mobiles aux feutres marqueurs, en passant par des documents imprimés et même des balles rebondissantes pour les activités brise-glace. En nous concentrant sur la construction d’un modèle voué à se développer et adapté aux contextes à faibles ressources dans lesquels nous travaillons, nous avons constaté que ces matériels étaient coûteux et apportaient pourtant peu de valeur ajoutée.


Aujourd'hui, les seuls matériels dont nos animateurs-éducateurs ont besoin sont un grand tableau noir, 10 ardoises pour les activités de groupe, de la craie et quelques images/graphiques imprimés sur une bâche pour minimiser l'usure. À l’exception des images, ce sont des supports que tous les enseignants des écoles publiques utilisent déjà à Madagascar. Nous avons ainsi rédigé des plans de cours participatifs qui engagent les élèves de manière créative en utilisant uniquement ces matériels, faisant de nos plans de cours certains des seuls que nous ayons trouvés à ne pas s'appuyer sur des équipements supplémentaires coûteux ou à usage unique.


L’importance de pré-tester notre curriculum


Avec une ébauche de nos nouveaux plans de cours scriptés de 3ème en main, l'étape suivante consistait alors à les pré-tester. Avant de les déployer pour utilisation de nos animateurs-éducateurs, nous voulions en effet d’abord obtenir leurs commentaires et évaluer si les plans de cours étaient réellement compréhensibles, pertinents et appropriés pour notre public cible d'adolescents.


Lors de chaque séance de pré-test, un animateur-éducateur PJL a enseigné une leçon dans son intégralité à un groupe d'élèves ruraux de 3ème (pendant leurs vacances scolaires). Nous avons ensuite posé aux élèves participants diverses questions telles que « Ce sujet était-il nouveau pour vous ? » » ou « Pensez-vous que ce que vous avez appris sera utile dans votre vie de tous les jours ? » Les élèves ont alors placé un haricot dans une des boîtes de vote (« Oui », « Non » ou « Je ne sais pas ») selon leur opinion. Nous avons ensuite organisé des discussions de groupe avec les élèves et nos animateurs-éducateurs afin de recueillir des informations plus approfondies et qualitatives.

Ce processus de pré-test a alors prouvé à plusieurs reprises sa valeur critique.


Par exemple, l’une des parties de notre nouveau curriculum consistait en une activité de groupe dans laquelle les élèves devaient créer une publicité. Une manière pour eux d’intérioriser et d’appliquer les messages clés de la leçon apprise juste avant. Alors qu’il animait l’activité, notre animateur-éducateur s’est rendu compte que les élèves ne savaient pas ce qu’était une publicité. La plupart d’entre eux n’avaient en effet pas de radio et encore moins de télévision. Par conséquent, nous avons révisé le plan de cours pour y inclure la définition d'une publicité avant le début de l'activité.


Ceci n’est qu’un des nombreux exemples illustrant l’importance des pré-tests. Bien que nous soyons très conscients du contexte dans lequel nous travaillons (pas d'électricité, accès limité à l'information, faible niveau d'alphabétisation, ...) et que nous nous efforçons d'adapter chaque composante de notre programme à ce contexte, nous risquons toujours de faire des hypothèses erronées ou de passer à côté d’informations critiques.




Au-delà du seul curriculum


Le curriculum ayant été rédigé et pré-testé, nous sommes ensuite passés aux nombreux autres éléments qui contribuent à garantir un programme de haute qualité. Cela comprenait ainsi :


  • Former nos animateurs-éducateurs aux nouveaux plans de cours en veillant bien à ce que ceux-ci comprennent le contenu et les approches pédagogiques. Planifier également des mini-formations de renforcement de capacité tout au long de l'année scolaire.

  • Permettre à nos directeurs d'écoles partenaires de découvrir ce nouveau cursus en organisant des simulations de cours, dans lesquelles ils peuvent incarner un élève de 3ème.

  • Développer du matériel de communication imprimé créatif dans l’objectif d’expliquer le contenu et l'objectif du programme aux parents des élèves


« On voit que toutes les thématiques du curriculum de 3ème sont bien adaptées à leur âge et contribuent à leur épanouissement en tant qu'adultes, il est donc important de proposer ce nouveau programme aux élèves de 3ème. » – Directeur de l’école partenaire PJL après une simulation de classe

Alors que nous avons déployé pour la première fois le curriculum des 3èmes auprès de milliers d'élèves, nous avons collecté au cours des derniers mois diverses données quantitatives et qualitatives visant à comprendre comment celui-ci développe les connaissances et les compétences des élèves dans des zones clés. Ces collectes nous permettront d'apporter des améliorations continues en réponse aux données et aux commentaires des élèves et de nos animateurs-éducateurs.


« Je me suis rendu compte que les leçons enseignées par l’éducateur PJL m’ont beaucoup aidé, et m’ont aidé à être plus courageux pour parler de mes problèmes à mes parents, et à améliorer mes relations avec mes amis et mes voisins. Maintenant, je suis capable de résoudre des problèmes même si je suis en colère ou triste. Chaque fois que j’ai un cours avec l’éducateur PJL, j’apprends quelque chose de nouveau. Merci beaucoup ! C’est tout de ma part, juste un petit message ! J’espère qu’un jour je deviendrai moi aussi éducateur PJL. Au revoir ! » – Message reçu de Lanto, élève de 3eme au collège d'Ambalamahasoa

 

Nous sommes très reconnaissants pour le soutien du fonds « Right to be a Girl » de Mundo Cooperante pour leur soutien dans le développement de notre nouveau curriculum à destination des élèves de 3ème cette année !

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